Traitements des cancers avancés

La Gemcitabine, synthétisée au début des années 80 est un analogue de la deoxycytidine. Elle est transportée sous la forme de pro-drogue jusque dans les cellules où elle est ensuite phosphorylée par des deoxycytidine kinases sous forme de gemcitabine di- ou tri-phosphate. Elle est capable de se substituer à son analogue lors de la réplication de l’ADN. Cette base défectueuse ne permet la fixation que d’une base azotée supplémentaire, bloquant par conséquent, la prolifération en phase S du cycle cellulaire. Son utilisation a été approuvée par la FDA en 1996 pour une utilisation en première ligne de traitement chez des patients atteints de cancer du pancréas localement avancés (inopérables de stade II ou III) ou métastatiques (stade IV). La gemcitabine, est le traitement de référence depuis qu’un essai clinique de phase III a montré en 1997 une efficacité meilleure, quoique modeste, comparée au 5-fluorouracil (5-FU) (médiane de survie de 5,65 mois avec la gemcitabine versus 4,41 pour le 5-FU) (Burris et al., 1997). De nombreuses molécules telles que les 5-FU, sels de platine, capecitabine, erlotinib, bevacizumab ou cetuximab, pour n’en citer que certaines, ont été testées en combinaison avec la gemcitabine mais aucun effet bénéfique réel n’a été obtenu. Seule l’étude récente de Von Hoff démontre un résultat encourageant avec l’association gemcitabine-Nab-paclitaxel en première ligne . Dans la formulation, le paclitaxel (inhibiteur de la mitose) est couplé à l’albumine permettant une meilleure absorption de la drogue. En effet, l’albumine va se fixer à des protéines dont SPARC ( Secreted protein acid and rich in cystein) fortement exprimée au niveau tumoral et au niveau des fibroblastes du stroma. L’étude de Von Hoff a été confirmée par une étude de phase III (MPACT) où l’association est supérieure en termes de médiane de survie globale (8,5 mois Gem+Nab-paclitaxel versus 6,7 mois Gem), de survie sans progression (5,5 versus 3,7 mois) et de taux de réponse tumorale (23% versus 7%) par rapport à la gemcitabine seule. Le pourcentage de survie à 1, 2 et 3 ans est meilleur dans le groupe de patients traités avec l’association. Certaines toxicités, comme la neutropénie, lymphopénie, neuropathie périphérique, diarrhée ou la fatigue, sont cependant légèrement supérieures dans le bras association que dans le bras contrôle. Suite à ces résultats, la FDA et l’EMA ont approuvé l’association Gemcitabine+Nab-paclitaxel dans le traitement du cancer du pancréas métastatique.

D’autres chimiothérapies de première ligne n’utilisant pas la gemcitabine ont été évaluées. Malgré de nombreux échecs, des résultats intéressants ont été obtenus avec l’association FOLFIRINOX (oxaliplatin, irinotecan, fluorouracil, et leucovorin). Une étude de phase III coordonnée par des hôpitaux français a montré une augmentation significative de la survie globale des patients traités au FOLFIRINOX en comparaison avec la gemcitabine (11,1 mois contre 6,8 mois respectivement) . Bien que cette thérapie s’avère plus toxique que la gemcitabine seule, une étude prospective de la qualité de vie a permis de montrer que la détérioration de celle-ci était significativement moins importante pour les patients traités au FOLFIRINOX que pour ceux recevant la gemcitabine seule. Cette étude permet d’envisager une autre thérapie que la gemcitabine en première ligne de traitement pour les cancers du pancréas métastatiques.

Après progression tumorale chez les patients ayant reçu une première ligne de chimiothérapie, une seconde ligne de traitement peut être proposée en fonction de leur état général permettant un contrôle de l’évolution tumorale chez environ 25% des malades et une amélioration de la survie. Les molécules utilisées peuvent être le 5 FU associé à un sel de platine.

Les thérapies adjuvantes ou néo-adjuvantes

Le risque de récidive après chirurgie reste élevée dans cette pathologie. Pour améliorer la survie des patients, des traitements en adjuvant ont été étudiés. Le bénéfice thérapeutique restait une question controversée jusqu’à l’essai CONKO (Charité Onkologie clinical studies in gastrointestinal cancers)-001, publié en 2007 qui a montré, chez les patients traités à la gemcitabine après résection totale, une médiane de survie sans progression de 13,4 mois contre 6,9 mois pour les patients qui n’ont pas reçu le traitement. Cet essai, confirmé par d’autres comparant la gemcitabine au 5-FU (ESPAC-3 (2010) et ROTG 97-04 (2008)), démontre le rôle positif des thérapies adjuvantes et notamment l’efficacité de la gemcitabine, traitement de référence actuel. Au vue des résultats positifs obtenus avec la combinaison gemcitabine/ Nab-paclitaxel et le FOLFIRINOX dans les maladies métastatiques, ces protocoles sont en cours d’étude en situation adjuvante (étude APACT et PROTODIGE). On notera toutefois, au vu de médianes de survie faibles, que cette thérapie est loin d’être satisfaisante, ce qui a poussé les médecins à envisager des thérapies (chimio ou radiothérapies) néoadjuvantes. Les études réalisées ne sont pour l’instant que peu convaincantes, excepté peut-être pour les patients présentant des tumeurs à la limite de l’opérabilité chez qui ces thérapies pourraient permettre de garantir une résection à marges saines.

Banniere_Jerem_3-01.jpg