La tumeur du pancréas résulte d’une accumulation successive de mutations génétiques provoquant la tumorigénèse ou de mutations somatiques établies qui vont affecter des voies de signalisations et des protéines dont certaines ont été définies comme des cibles thérapeutiques potentielles.

La mutation de l’oncogène KRas étant très fréquente dans les cancers du pancréas, cette voie constitue donc une cible de choix dans cette tumeur. Différentes stratégies ont été envisagées comme l’inhibition de l’enzyme farnesyltransferase qui agit au niveau des modifications post-translationnelles de Ras (Tipifarnib), des inhibiteurs allostériques des isoformes de Ras ou le blocage du transport de la protéine Ras à la membrane (deltarasin). L’inhibition des protéines impliquées dans les voies en aval, telles que les protéines MEK1/2, a donné des résultats décevants en clinique. De même, l’utilisation d’inhibiteurs de la voie PI3K-mTOR n’a pas été concluante. Cette voie de signalisation est activée dans 59% des cancers du pancréas et joue un rôle fondamental sur la survie et le développement des cellules cancéreuses, via mTOR et NFκB. Elle jouerait également un rôle dans la résistance des cellules à la gemcitabine. Les inhibiteurs de mTOR tels que le temsirolimus, l’everolimus ou le sirolimus n’ont à ce jour pas montré d’efficacité clinique sur des patients atteints de cancer du pancréas avancé. Seule la curcumine, un produit naturel, extrait de la plante curcuma longa, capable d’inhiber NFκB a montré un effet encourageant dans deux essais cliniques de phase II seule ou en combinaison avec la gemcitabine (Wong et al, 2009).

L’inhibition des voies de signalisation JAK-STAT et Notch a également été beaucoup étudiée et semble une approche prometteuse pour le traitement du cancer du pancréas. Des résultats intéressants ont été obtenus dans une phase II associant la capecitabine au ruxolinib (inhibiteur de JAK1-JAK2) chez des patients progressant sous gemcitabine. Actuellement, deux phases III sont en cours évaluant la capecitabine plus ou moins le ruxolinib en seconde ligne de traitement (JANUS1 et JANUS2). Des études plus précoces évaluent actuellement l’association de cet inhibiteur ou d’un inhibiteur de JAK1 avec le Nab-paclitaxel plus la gemcitanine (NCT01822756, NCT 01858883).

La voie Notch a également été ciblée par un anticorps spécifique d’un ligand de Notch DDL4 montrant une activité anti-tumorale en association avec la gemcitabine dans des modèles murins. Ces résultats ont été renforcés par une étude de phase Ib montrant une stabilité de la maladie chez les patients traités avec l’anticorps associé à la gemcitabine ou à la gemcitabine plus nab-paclitaxel (Hidalgo M et al., 2014). Des études pré-cliniques montrent une activité anti-tumorale de l’association d’inhibiteurs des voies JAK et Notch mais restent à être confirmé en clinique (Palagani V et al., 2014).

La modification du métabolisme cellulaire est une stratégie envisagée en utilisant des modulateurs de l’autophagie (type de mort cellulaire) comme l’hydroxychloroquine combiné à la gemcitabine ou au nab-paclitaxel en situation neo adjuvante ou à des stades avancées de la maladie (NCT 015006973 ; Chini C t al, Clin cancer res 2014).

De nombreux travaux rapportent l’implication de certains récepteurs à tyrosine kinase (tels que l’EGFR, VEGFR, IGFR, cMET) dans la progression de nombreux cancers dont le cancer du pancréas. Ces récepteurs sont surexprimés au niveau tumoral mais également au niveau du stroma. Le ciblage des récepteurs de la famille EGFR par des anticorps (cetuximab pour l’EGFR ou trastuzumab pour HER2) ou des petites molécules chimiques (erlotinib ou lapatinib) n’a pas donné de réponses anti-tumorales significatives en clinique dans le traitement du cancer du pancréas, malgré quelques réponses positives notamment avec l’erlotinib. Mais le rapport bénéfice-coût reste très limité et la sélection des patients susceptibles de répondre est inexistante, ce qui explique pourquoi ce traitement n’est pas recommandé (Zagouri et al., 2013). Actuellement des phases cliniques précoces sont en cours étudiant l’effet thérapeutique d’anticorps ciblant un autre membre de la famille EGFR, HER3, également fortement impliqué dans la croissance tumorale (NCT01447225).

Les agents anti-angiogéniques, tel que le bevacizumab ou le sorafenib, n’ont pas donné de résultats prometteurs en association avec la gemcitabine (Kindler HL et al., 2011) dans le traitement de cette pathologie.

Les caractéristiques physiques et notamment la présence d’un stroma desmoplastique dense et un environnement hypoxique peuvent expliquer l’agressivité et la résistance aux thérapies de cette tumeur. Pour palier ces difficultés de délivrance des drogues avec de nouvelles formulations des chimiothérapies classiques ont été développés comme le MM-398, un nanoliposome d’irinotecan qui augmente la demi-vie de la drogue et sa concentration tumorale. Des résultats encourageants ont été obtenus en phase III (NAPOLI-1) chez des patients résistants à la gemcitabine (Von Hoff D et al, 2014) en association avec le 5-FU et l’acide Folinique. Une pro-drogue active uniquement dans des conditions hypoxiques, l’evofosfamide (TH-302), un dérivé de chloréthazine, a donné des résultats positifs en association avec la gemcitabine dans une phase randomisée chez des patients atteints d’un cancer du pancréas avancé (Ryan D et al., 2013).

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